J’ai passé ma vie d’électrice à entendre inlassablement les mêmes mots : « Ne joue pas le jeu du FN ».
Si tu votes untel, tu joues le jeu du FN. Si tu dis telle chose, tu joues le jeu du FN. Si tu éternues, tu joues le jeu du FN.
Tout concourait à appeler au vote utile à chaque élection. Et, si vous remarquez bien, les grands partis en ont été ravis, car grands gagnants. Nous ne comptons plus les fois où ils en ont joué.
Les lois des grands partis ont été bouleversées car Jean-Marie Lepen est arrivé au second tour. Je dus, comme beaucoup, voter Chirac « pour ne pas jouer le jeu du FN ». Croyez bien que ce n’est pas par gaieté de coeur. Et croyez bien qu’il n’a pas remercié les gauchistes d’avoir voté pour lui.
Depuis, le racisme s’est décomplexé, le FN a pris quelques leçons de marketing pour redorer un blason construit par la haine à grand renfort de (dé)coloration pour cheveux. Et depuis, les grands partis se sont enfermés dans l’immobilisme pantouflard douillet qui leur permettait de s’engraisser sur notre dos pour peu qu’ils nous répètent assez souvent de ne pas jouer le jeu du FN.
2012, l’ « ennemi de la finance » a été élu avec l’espoir qu’enfin nous allions sortir de l’immobilisme. J’avoue que j’avais voté utile en élisant Hollande. J’avais lorgné son programme du bout des yeux en sachant qu’il ne tarderait pas à trahir ses promesses. J’ai été servie à grands coups de 49.3, comme vous tous.
Cette année, j’ai eu un choix à faire : voter utile en votant Mélenchon (ce n’est pas le programme dont je me sens la plus proche, mais il était bien placé pour passer au second tour), voter pour mes convictions en votant Hamon (avec le risque qu’il prenne la même voie que Flanby, cela va sans dire, mais je me sentais plus proche du programme, cette fois).
Et cette année, les Français ont décidé de nous poser le pire chantage au terme de la pire des campagnes électorales : soit nous élisons un banquier d’affaire ultralibéral qui a été l’instigateur de la loi Travail, dont personne n’a voulu (même pas le MEDEF qui la trouvait trop molle) ; soit nous « jouons le jeu du FN ». CQFD. La boucle est bouclée. Dégagez, y a rien à voir.
Les marchés financiers sont à la fête, les antifas frémissent dans leur chaumière, et la gauchiste que je suis est en train d’avaler sa carte d’électrice.
Je ne veux pas jouer le jeu du FN, pas plus que je n’ai envie de voir Marine Lepen à l’Élysée. Mais force est de constater que je n’ai pas envie non plus d’y voir Macron. De ce monsieur je me méfie comme la peste, ses allures de jeune hipster me font penser à un mélange de jean-claude convenant et de Palpatine.
Je ne veux pas le voir détricoter le peu qu’il reste du système social français avec ses formules anesthésiantes, ni le voir paupériser le peu de travailleurs qu’il reste.
Alors j’irai voter au second tour. Pas de gaieté de coeur. Mais je n’irai pas voter contre l’un ou contre l’autre. Je voterai contre les deux en votant blanc.
Peu importe que ce vote compte ou pas, j’irai voter blanc. Faire le jeu d’un opportuniste pour « ne pas jouer le jeu du FN » est un jeu de trop. Et quelquefois la seule chose responsable à faire est de laisser les gens prendre leurs responsabilités et les laisser s’enfoncer dans leur erreur.
Le 7 mai, je ne céderai pas au chantage et je voterai blanc.
Et comme beaucoup, je me battrai pour la démocratie aux Législatives.